Petit précis de communication romancé, à l’usage de ceux qui souhaitent mesurer sérieusement les performances de la création publicitaire.

Paru initialement en 2008, ce livre reste furieusement d’actualité. Il démonte un à un tous les mécanismes qui déterminent la pertinence de la création publicitaire.Comment travaillent les créatifs d&ns une agence ? Comment devraient ils travailler en répondant à des questions précises sur la base de la plateforme stratégique qui leur a été imposée ? Vous trouverez toutes les réponses dans cet ouvrage.

Un livre qui se lit comme un roman

Jean-Paul Rivière aurait pu écrire un manuel de création, comme il existe des manuels d’histoire, de mécanique ou de coiffure, il a préféré donner vie à des personnages pour que la lecture de son livre soit plus agréable. Vous pourrez donc découvrir tous les critères de jugement créatif dans une forme plaisante, mêlant communication, littérature et humour. Les exemples cités sont intemporel et le personnage principal est un annonceur, confronté à une agence qui vient lui présentera campagne qu’elle a connu pour sa marque.

 

Extrait

Pause-café…

Les salles de réunions sont le théâtre de bien étranges mutations dans le comportement des présentateurs et de leur auditoire. Ainsi, pour peu que la partie stratégique de votre jugement créatif se soit bien déroulée, il s’installe entre votre agence et vous un climat de bienséance entendue qui se prête rapidement à une certaine décontraction. Aux timides trémolos des premières paroles de votre agence franchissant la porte de votre tribunal créatif, succèdent maintenant des traits d’esprit francs mais contenus. Quelques bons mots bien sentis sont émis par le plus audacieux de vos interlocuteurs. Ils forcent le sourire de part et d’autre de votre table de réunion. Encore un peu de jugement stratégique et c’étaient les bons calembours bien gras, façon fin de repas de mariage, juste avant la chenille qui redémarre !

Penser à ne pas trop abuser de la stratégique attitude pendant les réunions avec l’agence, vous déclarez-vous intérieurement en essayant de retrouver votre calme olympien, celui du début de la réunion.

Il est vrai que le choix d’une agence c’est bien sûr le choix d’une stratégie, celui d’une méthode et d’un esprit de travail, mais c’est aussi le choix d’une équipe avec laquelle il va falloir cohabiter pendant quelques années dans une certaine intimité. Après tout, vous ne leur en voulez pas tant que ça à ces publicitai- res de vouloir faire passer un peu d’humain dans la relation. C’est peut-être maladroit mais cela vous per- met d’avoir un échantillon de votre futur quotidien… Allez on fait une petite trêve avant de passer à l’assaut final.

Vous vous levez pour aller chercher du café. Vous en avez bien besoin pour tenir le coup dans votre réunion en forme de marathon de la communication. Vous en proposez une tasse à vos interlocuteurs qui, s’enhardissant à l’extrême, en profitent pour tenter de vous faire hurler de rire en vous racontant avec forces détails comment, lors d’une présentation identique à celle-ci, quelques mois auparavant, le directeur de création, dans un élan d’explications aussi lyriques qu’inspirées, avait renversé la tasse du directeur de clientèle dans la mallette du directeur général en manipulant ses volu- mineuses maquettes au-dessus de la table… Ouaf, vous vous surprenez à crisper tendrement un sourire! après tout, ça aussi c’est de la communication… Vous vous dites que, tout à l’heure, quand vous passerez à la « communicante attitude », ceux-dont-les-mères- doivent-encore-penser-qu’ils-sont-pianistes-dans-des- bordels feront sûrement moins les malins.

En attendant, cette pause-café vous permet de vous ressourcer et même de vous évader un peu. Vous voilà chevauchant en songe l’étalon fougueux de vos médi- tations profondes sur la communication moderne… On regarde souvent les images avant de lire les mots !Du temps des âges farouches, nos lointains ancêtres primitifs vêtus de peaux de bêtes ont inventé, sur les parois de leurs cavernes, le dessin avant d’inventer l’écriture. Aujourd’hui, par un processus d’appréhen- sion qu’on aurait parfois tendance à assimiler à de la paresse intellectuelle, nos contemporains, malgré de longues heures passées sur des bancs de salles de classes à user leurs culottes en scrutant studieusement le tableau noir zébré de lignes manuscrites à la craie blanche, perpétuent la tradition visuelle en regardant les images avant de lire les mots. Le raccourci est là! De l’aube de l’humanité à cette fin d’après-midi des temps modernes, le cerveau humain reproduit les mêmes principes d’intégration de la chose transmise par sa représentation. L’image précède encore l’écrit: sur mon affiche 4×3, je regarde le visuel avant de lire l’accroche et de m’interroger sur le contenu du mes- sage… Les millénaires qui séparent les premières fres- ques du premier alphabet, je les parcours en quelques fractions de secondes quand je regarde une annonce presse… C’est peut-être pour cette raison que nos mes- sages publicitaires y compris les plus sophistiqués, font encore la part belle à l’imagerie pour développer leurs idées créatives. Si cette image me touche, si elle me plaît, je lis les mots et j’entre dans le processus d’inté- gration de l’information. Est-ce qu’ils pensent à ça mes publicitaires quand ils conçoivent mes messages? Peut- être pas dans les mêmes termes mais j’avoue qu’elle n’est pas mal leur proposition, pas mal du tout. Un peu trop de rouge à mon goût mais pas mal du tout…

Quelques rires appuyés vous obligent à sortir de votre rêverie. Vous vous sentez obligé de vous joindre discrètement au petit concerto car vous vous doutez qu’il y a encore eu un bon mot d’esprit qui a fusé sans que vous ne vous en rendiez compte, et vous ne voulez pas gêner son auteur en lui indiquant par votre indifférence qu’il est tombé à plat…Allez, au boulot! Il est temps de mettre un terme aux plaisanteries, aux anecdotes croustillantes et autres mots bien choisis de vos convives. C’est la fin de la pause-café et vous annoncez la reprise de la réunion. Avec les critères de communication pour alliés, vous allez pouvoir affiner votre jugement créatif…

L’auteur

Dans les 80 Jean-Paul Rivière a quitté l’univers des belles lettres et de l’enseignement pour se lancer dans celui de la publicité. Il a travaillé comme Directeur de Création dans les agences de grands groupes de communication français (Havas puis Publicis) et anglo-saxons (WPP). En 1998, Il a fondé sa première agence de communication, Rivière&co. En 2013 il a créé Winissimo pour répondre plus précisément aux attentes des marques et des entreprises en termes de branding, d’innovation et de gestion du changement.